Il y a 80 ans : Heisserer, « le Platini alsacien »

Publié le 18/06/2024

Épisode 8 de notre série consacrée au football dans le Grand Est il y a 80 ans, avant la Libération. Natif de Schirrhein dans le Nord de l’Alsace et fils d’ancien restaurateur, Oscar Heisserer a réalisé une brillante carrière et résisté pendant la guerre. Portrait d’un homme hors norme sur et en dehors du terrain.

En août 1944, après le débarquement allié de Normandie, il parvient à rejoindre le Doubs pour s’engager dans l’Armée Française de la Libération de De Lattre de Tassigny. Il finira la guerre sous l’uniforme et prendra part aux combats de libération de sa chère et tendre Alsace. Sur le plan sportif, il dira, non sans amertume, que « les allemands ont pris mes plus belles années ».

Avant cette période de sa vie, il était confronté à un dilemme : s’il ne se soumettait pas aux demandes des Allemands, il serait incorporé de force dans la Wehrmacht, direction une Panzerdivision devant rejoindre le terrible front de l’Est (comme de nombreux Malgré-Nous). Il décide alors de fuir vers la Suisse en 1943. Pour protéger son épouse alors enceinte d’une petite fille, il fait croire, avec la complicité de ses amis, qu’il s’est enfui avec sa maîtresse. Sa femme demande le divorce et fait croire que l’enfant est celui d’un officier allemand. Heisserer passe les Vosges de l’Alsace annexée vers Nancy et la France occupée puis traverse le Jura pour arriver dans le pays helvète. Il fera donc le chemin inverse un an plus tard en allant en France.

Un héros durant le conflit

 Lorsque la guerre éclate, Oscar Heisserer est mobilisé dans la ligne Maginot. Il est au front lorsqu’il apprend que l’armistice et le rattachement de l’Alsace à l’Allemagne nazie. Démobilisé, il revient dans sa région et rechausse les crampons pour le Racing Club de Strasbourg fin 1940. Le foot ne lui permettant plus de gagner sa vie correctement, il ouvre un bar tabac. Alors qu’il jouait le haut niveau en Division 1 française, il se retrouve en Gauliga Elsass, un néo championnat d’Alsace de niveau amateur créée par les nazis.

Photo 1 avec légende : Oscar Heisserer (à droite) à côté de deux autres footballeurs le 11 février 1940 lors de sa mobilisation dans la ligne Maginot. Crédit photo : Miroir du Sport

Le sport étant un important véhicule de propagande, le Schirrheinhois, né en 1914, est approché par les Allemands pour devenir la star de l’équipe SS de Strasbourg et même l’entraîneur de l’équipe d’Allemagne. Tout au long du conflit, il reste inflexible et refuse les appels du pied des nazis.

1945, l’année du retour sur le terrain

Après avoir participé aux combats de libération en 1944, il rejoint son équipe d’avant-guerre du RC Paris et remporte la Coupe de France le 6 mai 1945 en battant le LOSC, 3-0 avec un but à son actif. Le 26 de ce même mois, il retrouve le maillot de l’équipe de France pour un match qui est resté gravé dans sa mémoire. La nation tricolore est la première non-britannique à être invité à jouer dans l’imprenable forteresse de Wembley. Devant 60 000 spectateurs anglais, Heisserer, après une percée de plus de 15 mètres, ajuste le gardien adverse et égalise à la dernière minute ! Il s’agit d’un véritable exploit des Bleus en terre anglaise !

Sa carrière de joueur s’achève, celle de coach débute

A 31 ans, Heisserer est un joueur confirmé mais les années de guerre pèsent lourd sur son physique et il ne retrouvera jamais son niveau d’avant-guerre. Il jouera une dernière finale de Coupe de France en 1947 en tant que capitaine du Racing Club de Strasbourg (défaite 2-0 face au LOSC) dont il est le maître à jouer grâce à sa combativité et son excellente vision du jeu. Il aura passé quatre ans dans ce club où il est passé professionnel et ébloui le public de la Meinau. Il honore sa 25ème et dernière sélection dans le onze tricolore en avril 1948 contre l’Italie.

Photo 2 avec légende : L’équipe du RC Strasbourg, 3ème de division 1 et finaliste de la Coupe de France lors de la saison 1946-47.

Un an plus tard, il raccroche les crampons et arrête sa carrière. L’année suivante, il devient le premier entraîneur du tout jeune Olympique Lyonnais. Malgré son image de coach autoritaire, il mène le club rhodanien en Division 1 dès la première année. Après une courte expérience d’entraîneur du Racing en 1955, il se retire du football pour se consacrer à son activité de banquier. Oscar Heisserer a ainsi laissé une trace indélébile dans l’histoire du Racing, du foot alsacien et de la sélection nationale. Un exemple de travail et d’abnégation.

 

Et pendant ce temps-là :

En France, la 1ère armée américaine coupe la péninsule du Cotentin en deux. La 9ème division américaine atteint la côte ouest au nord et au sud de Barneville. Les divisions allemandes isolées dans le nord n’ont pas la permission de tenter de s’échapper. Hitler rencontre Rundstedt, le commandant en chef de l’ouest et Rommel, le commandant du groupe d’armées B. Les deux feld-maréchaux désirent se replier à l’intérieur du territoire vers des positions plus faciles à défendre. Hitler refuse tout repli en Normandie. Il insinue que le bombardement de l’Angleterre, avec les fusées V1, forcera les pays à abandonner la guerre.

Dans les Îles Mariannes, les Américains débarquent à Saipan, dans le cadre de l’opération Forager, à la suite de trois heures de bombardements navals et aériens par la force opérationnelle 52. Une partie du 5ème corps amphibie débarque avec un contingent de 67 000 hommes au nord et au sud d’Afetna. Les principales forces américaines sont les 2e et 4e divisions navales. Les deux têtes de pont ne peuvent être reliées immédiatement, mais les forces étatsuniennes progressent tout de même à l’intérieur du territoire. La garnison japonaise est composée de la 43e division d’infanterie renforcée ainsi qu’un contingent naval. Au total, elle ne compte pas moins de 30 000 hommes.

Photo avec légende : Les péniches de débarquement se dirigent vers Saipan. Crédit photo : US Navy

Quelques jours plus tard, en URSS, de nouvelles attaques se produisent. Les forces soviétiques du front de Carélie (front de l’Armée rouge) lancent de nouveaux assauts dirigés contre la Finlande au nord du lac Ladoga, le deuxième lac le plus étendu de Russie. Sur le front de Carélie du Nord, les combats sont très durs. Cette résistance héroïque n’empêche pas le gouvernement d’Helsinki de se retrouver à la merci des nazis. En contrepartie de l’aide demandée, Berlin veut obtenir l’assurance qu’il n’y aura pas de paix séparée. Ribbentrop (ministre des Affaires étrangères sous le IIIème Reich) fait pression en ce sens sur Ryti (homme d’État finlandais). Une astuce évitant la signature d’un traité d’État à État est trouvée : le président signe, en son nom, une lettre au Führer dans laquelle il s’engage à titre personnel à ne plus négocier de paix.

                                                                                   Lucas Poirot

 

                                                                                                                                                    

Par Stéphane Heili

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