Il y a 80 ans : foot lorrain, le renouveau après la terreur et le déclin

Publié le 27/06/2024

Épisode 8 de notre série consacrée au football dans le Grand Est il y a 80 ans, avant la Libération. Avant de devenir terre de talents, la région Lorraine était un territoire où le ballon rond n’a jamais quitté les pelouses (ici le grand Piantoni – Photo DR). Elle a néanmoins connu une sombre histoire le lendemain du Débarquement.

En 1944, la Lorraine est marquée par le destin tragique des frères Heckler. Le 7 et 8 juin, de violents combats de rue opposent les maquisards et les soldats de la Wehrmacht dans les rues de Tulle. Une division blindée SS est dépêchée de Montauban par l’état-major allemand pour reprendre le contrôle de la préfecture de Corrèze. Le lendemain, les nazis organisent une rafle de 3 000 hommes en guise de représailles. Ils s’introduisent au petit matin dans la maison d’André Lagarde. Le père de famille, les frères Heckler et Marius Mari sont sortis du lit et emmenés de force dans la cour de la Manufacture Nationale d’Armes pour une « vérification des papiers ». Un tri s’effectue, 99 personnes, considérées comme « suspectes » par les autorités, sont condamnées à la pendaison. Aucun des quatre résidents n’en ressort vivant. Dans le même temps, le sport n’est pas épargné par le conflit.

Le FC Metz, la chute avant le rebond

Il ne reste plus rien au sein du club grenat. Il n’y a plus de ballons, ni de chaussures, pas même de crampons ou filet de but. Le siège du club est pillé, le stade Saint-Symphorien est inondé par l’armée allemande en déroute, les ponts du bras-mort et du canal sautent. Tout est à reconstruire.

C’est Raymond Herlory de retour chez les Grenats, avec une poignée de fidèles (Bakhuys, Braun..), qui entreprend de redonner au club son lustre d’antan. Le FC Metz reprend vie et renaît de ses cendres avec un symbole frappé sur le cœur. Il s’agit de la célèbre croix de Lorraine, symbole des Forces Françaises Libres, qui fait son apparition sur le maillot des « Grenat et Blanc ». Le club messin est le seul club français autorisé à le porter sur tous les terrains de l’Hexagone ! La saison 1944-45 est consacrée à la reconstruction de l’équipe professionnelle et à l’organisation de matches amicaux de préparation.

La toute première équipe complète du FC Metz, reconstituée après la guerre, face au FC Nancy le 25 mars 1945. Crédit photo : FC Metz

Debout de gauche à droite : Hemmen, Marchal, Braun, Frey, Gorius, Bakhuys. Accroupis : Steinmetz, Mori, Cassani, Perruchot et Gaspard

Le 10 mai 1945, fierté et honneur sont retrouvés. Le FC Metz remporte la Coupe de la Libération contre l’Olympique de Marseille au stade de l’Huveaune à Marseille. Quelques mois plus tard, le club, spolié par faits de guerre retrouve enfin le Championnat de France en première division.

Durant cette période, le football a perduré en Lorraine lorsque c’était possible à savoir en l’absence de combats. Il y avait énormément d’équipes dans les petits villages de la région, parfois même plusieurs pour un seul bourg.

« Pour les familles, le foot représentait une ascension sociale »

A cette époque, l’idée était de s’intégrer par le foot. « Il y avait une certaine fierté », explique Théo Georget, doctorant en histoire contemporaine à l’Université de Metz. Il poursuit : « Pour les familles, le foot représentait une ascension sociale. Ça donnait l’illusion aux jeunes qu’ils pouvaient échapper au destin de la mine même si c’était le cas pour une minorité d’entre eux ». Le ballon rond occupait une place spéciale, les jeunes jouaient ensemble aux coins des rues. « Il y a eu une génération de footballeurs, issus de l’immigration, qui s’est affirmée. Les joueurs étaient notamment d’origine polonaise ou italienne », complète Théo Georget.

En 1945, le nombre d’adhérents pratiquant le foot dans la région est en hausse par rapport à celui de 1939 au début du conflit. Le foot est partout et un réel plaisir de jouer est visible. Les années 1950 marquent véritablement l’âge d’or du football lorrain avec la naissance de futures nouvelles révélations comme Roger Piantoni, grand joueur de l’AS Nancy Lorraine. Il fait ses premiers pas au bord de la route en jouant avec… des conserves.

L’exemple le plus parlant est la sélection en équipe de France de six joueurs… d’un seul et unique petit village du Pays-Haut, Giraumont. Une véritable pépinière de talents qui a marqué l’histoire du football en France dans les années 1950 et 1960

Les six joueurs sont : Marcel Adamczyk, Bruno Rodzik, Jean-Pierre Piumi, Bernard Zenier, Édouard Kargulewicz et Serge Masnaghetti

 

Et pendant ce temps-là :

En URSS, l’armée rouge attaque les forces allemandes du groupe d’armées centre. Le 1er front balte et le 3ème front biélorusse encerclent alors Vitebsk. Les 5 divisions du 53ème corps allemand (appartenant à la 3ème armée Panzer) sont prises au piège. D’autres éléments du 1er front balte traversent la rivière Dvina, tandis que des éléments du 3ème front biélorusse approchent d’Orsha. Le 2ème front biélorusse poursuit ses attaques à Mogilev, ce qui permet de libérer peu à peu la ville. La 4ème armée allemande est forcée de se replier et les attaques du 1er front biélorusse menacent d’encercler Bobruisk, prenant ainsi au piège une partie de la 9ème armée allemande.

Dans le même temps, le 7ème corps d’armée américain occupe la ville de Cherbourg dans le Cotentin, seul le port n’est pas encore pris. Le commandant de la garnison allemande, le général Schlieben et le commandant de la marine, l’amiral Hennecke, sont faits prisonniers. Les troupes allemandes qui défendent les fortifications du port et l’arsenal se rendent au bout de quelques jours. Certaines troupes à l’extérieur des fortifications résisteront jusqu’au 1er juillet. De son côté, la 2ème armée britannique attaque en direction de Caen avec le support naval du HMS Rodney, du monitor Roberts ainsi que de trois croiseurs.

L’USS Arkansas et l’USS Texas attaquent les défenses allemandes de Cherbourg.

En Allemagne, quelques jours plus tard, à l’Obersalzberg (quartier de Haute-Bavière), Rommel (officier de la Wehrmacht) et Rundstedt (un des chefs de l’armée) rencontrent Hitler pour le convaincre des réalités auxquelles font face les armées du Reich, autant dans l’Est que dans l’Ouest. Le but est de mettre fin au conflit pendant que la majeure partie de l’armée est encore intacte. Le Führer accueille froidement cet appel rejetant la suggestion de manière très nette. Il tombe alors dans un long monologue dans lequel il explique comment il parviendra à gagner la guerre, notamment avec les nouvelles « armes miraculeuses ».

Lucas Poirot

 

 

 

 

                                                                              

 

Par Stéphane Heili

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