Des parents à éduquer
Publié le 04/05/2018
Les parents ont toujours été un élément important de la pratique sportive choisie par leur enfant (photo lgef.fff.fr). Leur présence, censée être positive, s’est transformée, depuis ces dernières années. Face à la compétition et aux nombreux enjeux du monde du football professionnel, certains parents y voient des enjeux démesurés, quand ce n’est pas simplement le civisme qui vient à manquer.
Une évolution sur les dernières années
Il n’y a pas un entraîneur de foot qui n’ait pas son anecdote sur les débordements liés aux parents. Il y a ceux qui critiquent ostensiblement les arbitres, ceux qui mettent en cause l’entraîneur de leur enfant, voire pire encore, les coéquipiers de leur enfant. Le comportement de certains parents n’a cessé d’évoluer ces dernières années, mais pas forcément dans le bon sens, comme en témoigne Mohamed Ghalem, responsable technique des jeunes à l’AS Illzach-Modenheim (Alsace), qui gère actuellement 28 éducateurs : « Cela fait 30 ans que je suis dans le club et c’est de plus en plus difficile, les valeurs véhiculées ne sont plus les mêmes, tant chez les parents que chez les éducateurs ». « Le football s’est développé depuis ces dernières années, aujourd’hui les parents se permettent d’avoir des comportements inappropriés et cela se produit car le football est devenu un sport où les enjeux sont de plus en plus importants », affirme de son côté Régis Kaminski, responsable de l’école de football du SC Schiltigheim (Alsace). Forcément, ce changement des mentalités est lié aux nouveaux enjeux du monde du football. Au rayon des explications, il y a bien entendu les supposés « enjeux » du football et d’une éventuelle carrière. Mais pas seulement. Bien des parents considèrent aujourd’hui un club de football comme un lieu de consommation à l’image d’une salle de sport à laquelle on se serait abonné. Par conséquent, on attend un service plus qu’on se sent appartenir à un projet collectif. Et puis, plus globalement, le football subit les mêmes incivilités que le reste de la société et le sport populaire par excellence, où chacun se sent des capacités naturelles et innées à arbitrer ou à entraîner sert souvent d’exutoire.
Des expériences … marquantes
Parmi les éducateurs et responsables des jeunes interrogés, tous ont vécu des expériences détestables qui ont toujours laissé des traces plus ou moins profondes. « Des parents qui montent sur un grillage pour accéder au terrain pour en découdre avec un arbitre ? Oui, c’est une expérience marquante pour tout le monde, surtout quand on sait qu’il s’agissait d’un plateau U6/U7 », raconte David Constant, responsable des jeunes du Chaumont FC en Haute-Marne (Champagne-Ardenne). Ces comportements, moments d’humeur ou non, sont de plus en plus présents. Pour Jean-Michel Leopoldie, responsable des jeunes de l’Entente Naborienne/St Avold (Lorraine), « il s’agit d’une évolution de la société. A partir du moment où les parents ont payé une cotisation, ces derniers se croient absolument tout permis ». Et Jean-Michel Leopoldie n’évoque pas que les bords de terrain, mais aussi les réseaux sociaux qui permettent à quelques parents de régler leurs comptes. « Leur frustration contre l’arbitre, l’adversaire, voire l’entraîneur va directement alimenter les réseaux sociaux. Les parents ne se rendent pas compte que leur écrit reste sur la toile, que tout le monde peut le voir ».
Les clubs du Grand Est en action
Comment agir face à ces comportements, de plus en plus récurrents aux abords des terrains de football ? Plusieurs clubs du Grand Est essayent d’apporter des réponses. La solution la plus utilisée est la réunion de pré-saison organisée dans la plupart des clubs du Grand Est. Maxime Rinié, responsable des jeunes de l’Entente Komet/Rib en Alsace, explique la manière dont cette réunion est abordée : « À chaque début de saison, on met en place une réunion avec les joueurs des différentes catégories du club et leurs parents. L’objectif est d’expliquer et de faire comprendre le bon comportement d’un parent de footballeur autour d’un terrain de football. Pour appuyer cette démarche, on distribue à l’ensemble des parents un livret, une charte expliquant les bons mots à avoir lors d’un match de football et vis-à-vis de leur enfant ». D’autres club, pour limiter ce type de comportements, essayent de responsabiliser les parents au maximum, comme l’explique Rémi Lang, responsable des jeunes du CSO Amnéville (Lorraine) : « Le dialogue est important entre les parents et le club, on y attache une place fondamentale. Il faut surtout éviter que certains ne franchissent la ligne rouge. Quand le comportement de certains parents n’est pas adéquat, on les incite à arbitrer un match d’une catégorie de jeunes, pour leur faire comprendre la difficulté de cette tâche. Le parent comprend alors tout de suite que son comportement est souvent trop excessif envers les éducateurs, arbitres ou encore joueurs, ça permet une remise en question rapide » (les docs du CSOA : règlement intérieur – rappel U11). Le club de la RS Magny en Lorraine a pris conscience que, trop souvent, le dialogue avec certains parents n’était pas utile, voire même impossible. Une image vaudrait donc mieux que mille mots ? Fidèle Amodeo, responsable des jeunes, y croit fermement : « Comme solution à Magny, on a décidé de mettre en place de la panneautique au bord des terrains, sur le comportement d’un parent normal supportant son enfant. On est souvent face à des parents fanatiques ou excités, le dialogue est alors impossible. Avec la panneautique, les parents peuvent donc s’informer sur l’attitude à adopter pendant un match de football et ça sert souvent d’électrochoc ». A l’Entente Ernolsheim/Molsheim (Alsace), une vidéo a été tournée auprès des U8 et U9 du club qui parlent du comportement de leurs parents. La vidéo, diffusée à la fête de Noël a forcément interpellé les parents pointés du doigt par leurs propres enfants.
« Il faut imposer un cadre »
Patrice Grethen, Directeur Technique Régional de la Ligue Grand Est de Football, donne son point de vue sur l’apparition et le développement de ces comportements aux abords des terrains de football : « Évidemment qu’on a conscience du problème. La Ligue est très sensible à cette difficulté, mais j’aimerais d’abord dire qu’autour d’une main courante, ces parents dit « hystériques » ne représentent que 5% des supporters, malheureusement, ce sont eux qu’on entend le plus. Comment remédier à ce problème ? Dans un premier temps, la mise en place de plateaux pour les U11 permet de faire évoluer les mentalités des parents. On n’est plus sur de la compétition pure et dure avec les 13-14 ans, ça permet à l’enfant de s’épanouir librement et de jouer sans crainte du résultat final. Dans certains districts, on a déjà des évolutions positives. Je dirais aussi que l’éducateur a une place et un rôle capital. C’est lui qui, au travers des réunions de pré-saison, doit mettre un cadre, que les parents ne peuvent franchir. D’ailleurs, dans les formations que dispense la LGEF, les éducateurs sont confrontés à ce type de problèmes avec des situations qu’ils peuvent rencontrer tous les jours dans leur club, avec l’objectif qu’ils soient en mesure d’apporter des réponses claires et justifiées. Cependant, il ne faut pas oublier que le football est le sport le plus médiatisé, on est tributaire de notre succès. Par exemple, nous pouvons mettre en place des actions sur une année pour faire comprendre aux parents leur rôle, mais il y a un renouvellement permanent de parents, il faut donc une vigilance permanente. En matière de solutions, on sait tous que les images sont plus parlantes que les paroles. C’est dans ce contexte que nous allons mener une campagne d’affichage pour sensibiliser les parents aux bons comportements aux abords d’un terrain de football. On va aussi baliser une journée pour les U11 sur l’ensemble des districts du Grand Est, une journée plus festive, pour minimiser l’importance de la compétition, histoire de faire comprendre aux parents que leurs enfants sont là avant tout pour s’amuser ».
Marc Vervinck