Coupe de France : une magie éphémère ?

Publié le 07/03/2019

« La Coupe de tous les possibles » peut rapidement prendre tout son sens. Après l’engouement médiatique et sportif suscité par un beau parcours, la plupart des clubs (ici Olympique Strasbourg) ont du mal à rebondir et peuvent même s’enfoncer dans la crise. Le retour à l’ordinaire est parfois compliqué.

« Lors de la reprise, un joueur m’a dit « on en a marre du foot ». Trop de foot tue le foot ». Les temps sont difficiles à l’Olympique Strasbourg (R2) et cela se ressent dans la voix du coach, Mohamed Khettab, qui a vécu il y a deux mois le rêve de tout club amateur : jouer face à une équipe professionnelle (défaite 6 à 0 contre l’ASSE en 32e de finale). « J’avais appréhendé le retour à la normal mais pas à ce point. Il faut l’avoir vécu pour savoir ce qui vous attend. Pendant les deux semaines avant le match, tout le monde était à fond : joueurs, dirigeants, même les supporters étaient présents à l’entraînement où il y avait 22 joueurs. Puis après, 90% ont lâché ». Depuis, les mauvais résultats s’enchaînent et les hommes de Khettab n’ont plus gagné depuis 5 matchs et n’ont plus trouvé le chemin des filets depuis 3 matchs. Le club vient même de perdre 6 à 0 contre la réserve de Haguenau à domicile ce week-end. « On était en surrégime émotionnel. C’est monté trop haut pour des joueurs de ce niveau. Au retour, il y a eu beaucoup de fatigue, de lassitude. Sur les matchs, on a perdu énormément en agressivité et parfois j’ai même l’impression que mes joueurs sont ailleurs. C’était beaucoup trop pour nous ».  

Stéphane Crucet, le coach de Schiltigheim (N2), avait souligné la difficulté de jouer sur plusieurs tableaux début décembre. Avait-il prédit par expérience ce qui allait se passer ? Car depuis la défaite de son équipe contre Dijon (1-3 en 32e de finale), c’est un renversement de situation total : 5 défaites consécutives en championnat, 13 buts encaissés en 5 matchs (sur les 15 premiers matchs, 12 buts encaissés), et une équipe qui change de statut : « on est passé d’une équipe qui jouait la montée à une équipe qui aujourd’hui se retrouve à 2 points de la relégation. La Coupe de France transcende les joueurs mais ensuite il y a une forme de relâchement, car ils se sentent supérieurs en retrouvant le championnat ». Allier objectif en championnat et objectif en Coupe est souvent délicat, et Schiltigheim en a sans doute fait les frais. Mais pas facile de choisir lorsqu’on traîne derrière soi l’histoire de quart de finale (en 2003 face à Rennes, défaite 2 à 1 devant 25 000 personnes au stade de la Meinau) et que l’on vise la montée en championnat : « l’année prochaine, il faudra se poser la question de savoir s’il faut passer outre la Coupe de France ».

Ces problèmes récurrents que connaissent presque tous les clubs après un beau parcours peuvent néanmoins être atténués. L’US Raon L’Étape (N3), club habitué de ces épopées magiques (éliminé en 32e de finales contre IC Croix, 2-0), a au fil des années emmagasiné de l’expérience par rapport à cette gestion post Coupe de France : « il faut se dire que l’après Coupe est toujours délicat, nous confie Faride Touileb, manager du club. Il faut que les joueurs soient matures afin d’accepter se basculement entre un match de Coupe médiatique devant plusieurs milliers de personnes et un match de championnat où le stade est presque vide. Et cette responsabilité en incombe surtout à l’encadrement, afin de faire en sorte que les joueurs reprennent vite la température du championnat. Il faut savoir dédramatiser l’événement. Mais même si nous avons de l’expérience, tout le monde dans le club a été marqué par l’élimination ».

Le coach de La Chapelle (R1), Mohamed Faty, avait les idées claires après la défaite de son équipe au 8e tour par le FC Aurillac (0-1) : « je ne voulais pas laisser traîner l’esprit de la Coupe de France trop longtemps. C’était très important de matérialiser cette rupture avec la Coupe pour passer à autre chose ». Pour cela, le coach a permis à ses joueurs de venir discuter avec lui : « j’ai dit aux joueurs qui voulaient me voir de venir exprimer leur frustration pour basculer sur autre chose dès la reprise ». Car c’est bien le facteur psychologique qui rentre en jeu dans la gestion de l’après Coupe : « il y a des joueurs frustrés. Certains n’ont pas pu jouer, d’autres n’ont pas pu faire partie de l’aventure. Je voulais leur donner une explication afin qu’ils puissent balayer ce petit truc qu’ils avaient dans la tête ». Et cela fonctionne, car le club n’a pas été impacté négativement par ce parcours : « pour l’instant ce n’est que du positif. Si on arrive à se maintenir je ne constaterai pas d’effet négatif, bien au contraire. Et puis il y a eu le week-end à Clairefontaine, qui est pour moi un événement fédérateur et ces moments de bonheur passés ensemble vont nous apporter dans la durée ».

Pour autant, certaines équipes dérogent a ce fatalisme. C’est le cas de la F.A Illkirch-Graffenstaden, éliminé au 8e tour contre Sochaux (0-2), et qui reste sur 4 victoires consécutives en championnat depuis son élimination. Les joueurs d’Amar Ferdjani, premier du groupe C de Régional1 (avec 7 points d’avance sur le deuxième), sont même bien engagés sur la voie d’obtenir l‘ascension en National 3…

Jimmy Gedik

Par Stéphane Heili

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